L’IA au cœur des stratégies nationales de développement en Afrique
L’Intelligence Artificielle (IA) est de plus en plus présente dans notre quotidien depuis ces deux ou trois dernières années, en raison de sa popularité croissante sur les réseaux sociaux. Les technologies d’IA générative comme ChatGPT ont capté l’attention du public grâce à des stratégies marketing agressives. Soulignons qu’aujourd’hui, lorsqu’on aborde le sujet de l’intelligence artificielle, il est fréquent que ChatGPT et des outils similaires viennent immédiatement à l’esprit des gens. Pourtant, ces solutions ne représentent qu’une fraction estimée à moins de 1 % du potentiel de l’IA.
Au cours des prochains mois, par le biais des « Convention Insights », nous aborderons les nombreuses possibilités offertes par l’intelligence artificielle. Dans un premier temps, à travers cet article, notre objectif est de comprendre comment le Burundi peut se positionner dans ce monde technologique en constante évolution. En tant que nation, sommes-nous prêts à adopter et à tirer profit de l’intelligence artificielle ? Dans l’affirmative, dans quelle mesure pouvons-nous l’exploiter malgré le faible taux de pénétration de l’internet ? Plus important encore, avons-nous inclus l’intelligence artificielle dans notre stratégie nationale de développement ou comptons-nous simplement nous rattraper en cours de route ?
Par ces écrits, nous visons à encourager non seulement l’intégration de l’IA au sein de nos organisations, mais aussi plaider pour qu’elle occupe une place centrale dans nos stratégies de croissance, tant à l’échelle nationale qu’au niveau des entreprises. Nous proposons également des recommandations pour y parvenir.
Avant tout et à titre de rappel, revoyons ensemble ce qu’est l’intelligence artificielle.
L’IA en bref
Le domaine de l’intelligence artificielle vise à développer des systèmes capables d’exécuter des tâches habituellement associées à l’intelligence humaine telles que l’apprentissage, le raisonnement et la prise de décision. Selon John McCarthy qui a popularisé le terme « intelligence artificielle », l’objectif principal est de permettre aux machines d’exécuter des fonctions ou tâches que l’on considérerait comme relevant de l’intelligence humaine.
Cette technologie n’a pas été nécessairement créée pour remplacer l’être humain ; elle vise à lui apporter un soutien dans l’exécution des tâches avec plus d’efficience et parfois plus de fiabilité. Par exemple, l’intelligence artificielle permet d’automatiser des tâches répétitives ou complexes afin d’alléger la charge pesant sur les individus notamment, produire des rapports issus de données provenant de plusieurs documents.
Elle peut également résoudre des problèmes plus complexes tels qu’analyser des données massives provenant des prévisions météorologiques ou données médicales pour aider les humains dans la prise de décision.
En résumé, l’objectif de l’IA est de permettre aux ordinateurs de « penser » et d’agir comme nous, pour accroitre notre efficacité. Maintenant que les bases de l’intelligence artificielle sont établies, penchons-nous sur comment cette technologie peut être utilisé dans le secteur public.
L’IA dans le secteur public
L’intelligence artificielle et la digitalisation sont des leviers stratégiques pour soutenir le secteur public dans sa mission auprès des citoyens, contribuant ainsi au développement économique d’un pays. Plus précisément, l’IA peut améliorer la qualité, la rapidité et la transparence des services publics tout en optimisant l’utilisation des ressources financières de l’État.
- Par exemple, dans le secteur agricole, qui joue un rôle essentiel dans notre économie, l’IA peut analyser les données sur les conditions météorologiques, les caractéristiques des sols et les cultures, et fournir des recommandations en vue de réduire les pertes agricoles. Dans le domaine de la santé publique, l’IA peut, entre autres, faciliter la détection précoce des épidémies et assister les médecins dans l’analyse des bilans médicaux.
- En ce qui concerne l’e-gouvernement, l’IA peut automatiser le traitement des demandes administratives, simplifiant ainsi l’accès des citoyens aux services publics et accélérant la transformation numérique du pays.
- Dans le secteur de l’éducation, où les salles de classe sont souvent surpeuplées et où l’apprentissage se fait majoritairement à travers des cahiers, l’IA pourrait jouer un rôle crucial en soutien aux enseignants. En proposant des outils de numérisation des cahiers des élèves, l’IA permettrait aux enseignants d’identifier rapidement les difficultés des élèves et d’adapter l’enseignement en conséquence. De plus, l’IA pourrait faciliter la gestion des effectifs et des évaluations, même à l’aide d’un seul ordinateur ou de smartphones tel qu’un Techno, améliorant ainsi le suivi pédagogique et la qualité des enseignements.
- Dans le secteur minier, l’IA est utilisée pour analyser d’importantes quantités de données géologiques et générer des cartes qui indiquent les emplacements probables de dépôts de minerais. Une fois qu’une zone prometteuse est identifiée, les sociétés minières peuvent affiner leurs modèles en collectant des données supplémentaires sur le site. Cette approche réduit significativement les incertitudes, transformant l’exploration minière en une activité plus efficace.
Les gouvernements qui décident d’adopter et de déployer l’intelligence artificielle se dotent d’un levier puissant pour moderniser leurs services publics et stimuler l’innovation tout en renforçant la compétitivité économique de leur pays.
L’IA au cœur des stratégies nationales de développement en Afrique de l’Est
Reconnaissant le potentiel de l’IA, de plus en plus de pays de la Communauté Est-Africaine (EAC) intègrent cette technologie dans leurs stratégies nationales de développement.
- A titre d’exemple, le Kenya a récemment publié en mars 2025, sa « Kenya National AI Strategy 2025-2030 » visant à positionner le pays en tant que hub régional de recherche, d’innovation et de commercialisation de solutions IA pour un développement socio‑économique inclusif. Cette stratégie s’articule autour de trois piliers dont l’infrastructure digitale, la gouvernance des données et l’innovation en IA.
- Un autre pays de l’EAC a développé une politique nationale et une feuille de route stratégique plaçant l’intelligence artificielle au cœur de sa croissance économique. Ces initiatives comprennent le renforcement des compétences numériques et la modernisation des services publics. C’est dans cette perspective qu’a été organisé le récent « Global AI Summit on Africa », un événement qui a réuni des acteurs clés de divers secteurs pour explorer les opportunités économiques offertes par l’IA.
- Plus au Nord-Est, l’ambition du gouvernement éthiopien est de se positionner comme un acteur clé de la quatrième révolution industrielle. Dans cette optique, le musée des sciences d’Addis-Abeba dispose d’un pavillon consacré à l’intelligence artificielle où les visiteurs peuvent découvrir de manière interactive des technologies émergentes telles que la robotique et la reconnaissance faciale. L’objectif de ce musée est de populariser l’intelligence artificielle et sensibiliser les jeunes et le grand public sur son potentiel.
Ces exemples illustrent la place importante de l’IA dans les stratégies de développement de plusieurs pays africains. Pour le Burundi, que pouvons-nous en retenir et quelles mesures devrions-nous prendre, si ce n’est pas encore fait, pour tirer parti de l’IA dans notre cheminement vers un pays émergent d’ici 2040 et un pays développé d’ici 2060 ?
Recommandations
- Réaliser un audit « concis » des processus inefficaces au sein des ministères et institutions clés afin d’identifier les tâches susceptibles d’être optimisées ou partiellement automatisées grâce à des outils digitaux basés sur l’intelligence artificielle.
- Développer une stratégie nationale en matière d’intelligence artificielle, en travaillant de concert avec les ministères concernés ainsi que les universités et le secteur privé tout en impliquant de manière collaborative et transparente, la société civile. Cette stratégie inclurait les mesures à prendre pour hausser le rang du Burundi dans le classement mondial « Government AI Readiness Index », les axes clés dans lesquels investir (tels que l’infrastructure digitale, les données, recherches et développement, gouvernance, éthique et inclusion) et les initiatives pour mobiliser les ressources nécessaires à sa réalisation.
- Mettre en place un programme de formation et de certification visant à préparer les futurs experts en science des données, en conception d’algorithmes, en apprentissage automatique et en « Deep Learning », ainsi qu’en Big Data, en robotique, etc. Il serait également judicieux d’inclure des modules d’initiation à l’IA pour les fonctionnaires, les hauts cadres de l’Etat et des dirigeants d’entreprise. À court terme, il serait opportun d’organiser des ateliers ciblés pour sensibiliser et présenter des exemples concrets de comment l’IA est utilisée dans différents secteurs. De plus, à travers ces ateliers, les apprenants découvriraient des outils d’IA qu’ils pourraient mettre en œuvre immédiatement pour accroître leur productivité.
- Mettre en place des « AI Lab » au sein des établissements scolaires et universitaires pour enseigner et développer des applications d’IA adaptée à la réalité locale tel que le suivi du rendement agricole et tant d’autres.
- Lancer une plateforme nationale dédiée à l’actualité de l’intelligence artificielle pour tenir informés de manière régulière les acteurs clés de différents secteurs sur les tendances, les meilleures pratiques et les opportunités liées à l’IA.
Par ces premiers pas, nous pourrions tirer profit de la digitalisation et de l’intelligence artificielle pour moderniser les services publics et stimuler l’innovation tout en renforçant la compétitivité économique de notre pays.


